Connaissez-vous Dilbert ?

Dilbert est un personnage créé par un certain Scott Adams. Après avoir longtemps travaillé dans une énorme boîte américaine, il s'est reconverti en dessinateur de bandes dessinées. En Europe, Dilbert est relativement peu connu si on compare sa notoriété aux Etats-Unis. Il faut savoir que les bandes dessinées de Dilbert ont été imprimées dans deux mille journaux, soixante-cinq pays et traduites en vingt-deux langues. Ses quatre best-sellers se sont vendus à dix millions d'exemplaires (Voir bibliographie à la fin de la page.

Et il a créé "Dilbert". Dilbert (et pas Gilbert) est un ingénieur qui travaille dans une grosse boîte, justement. Une forme d'autobiographie, en quelque sorte !

Je suis passionné de bandes dessinées comiques, et je dois dire que Dilbert est, de loin, la bande dessinée qui me fait le plus rire !

Il n'est pas évident d'entrer dans l'univers de Dilbert, de comprendre l'esprit qui en émane... Certains écrivains créent des ouvrages qui sont tellement alambiqués que c'en devient difficile à comprendre... D'autres artistes comme Picasso, se font aussi difficilement reconnaître car ils résument leur art dans quelques traits.

Dilbert fait partie de cette seconde catégorie : le trait est réduit à sa plus simple expression, et les gags ne dépassent pas quelques cases, mais derrière cette apparente simplicité se cache un cynisme terrible, un humour des plus féroces, un talent impressionnant ! Pour bien s'en rendre compte, il peut être utile de se faire aider. Je me propose d'être votre "guide Dilberto-spirituel" le temps de cette page.

Scott Adams est un observateur de la société à l'oeil d'aigle, et quand il reconnait une situation absurde, un comportement étrange, un cliché récurrent, il l'observe et le caricature, encore et encore, jusqu'à l'extrême.

Voyons ensemble comment fonctionne cette caricature !

Dilbert, c'est lui : .

Le Boss

Il a un chef. Nous ne connaîtrons jamais son nom. C'est "Le Boss"! C'est un gros gars chauve, avec 2 touffes de cheveux inesthétiques. Il est la caricature désopilante et navrante du chef irrationnel, qui ne comprend pas grand chose à pas grand chose, et qui utilise des méthodes managériales sans queue ni tête sous prétexte qu'elles sont "A la mode". Bref : insupportable. Le voici :

Passons à l'analyse de notre première planche. Il s'agit, comme souvent de 3cases.

Dilbert est un assez brillant ingénieur. Il vient de faire un rapport sur son dernier projet. Mais quand il le donne à lire à son Boss, celui-ci y trouve à redire... Pas sur le fond, mais sur la forme... Il a sans doute entendu dire dans dieu sait quelle réunion, ou dieu sait quel bouquin que tels mots résonnent mieux que d'autres... Du coup, il met son grain de sel, comme ceci :
Jusque là, on comprend, et on sourit car on reconnait là bien souvent une situation qu'on a soi-même vécue ! Dans la 2ème case, Scott Adams amène la caricature, car le Boss commence à remplacer des termes clairs par des termes à la mode, pompeux et déjà plus incompréhensibles :

C'est maintenant que se développe la pathétique fragrance de Dilbert : le rapport a été corrigé par Dilbert, qui n'a pas sourcillé, et le Boss admet que cette nouvelle version est devenue incompréhensible...

Non seulement il l'admet, mais la caricature est poussée au point ou le Boss est carrément satisfait de son travail de sape !

Croyez-vous alors que Dilbert va se révolter ? Pas du tout ! Depuis le temps que Dilbert travaille dans cette grosse boîte (dont nous ne connaîtrons jamais le nom, tout comme le Boss), il a développé un cynisme à toute épreuve, et utilise le système avec une habileté sans égale ! Voici ce qu'il propose :

Incroyablement caustique ! Un genre d'humour qu'on a pas l'habitude de côtoyer, je vous l'accorde !!! Je ne m'en lasse pas !

Si vous ne percutez pas, n'abandonnez pas ! Je vous avais prévenu ! Il faut un temps d'adaptation.

Scott Adams ne se contente pas d'illustrer le monde de l'entreprise. Dilbert a aussi une vie privée. C'est un ingénieur célibataire. Il se trouve ici confronté à un de ces vêtements qu'on ne peut pas laver comme on veut : des précautions incroyables doivent être prises pour le nettoyage ! Ca ne vous rappelle rien, ça ?

Au début du cartoon, Dilbert s'apprête à mettre sa chemise dans la machine à laver. Par acquis de conscience, il lit les conseils d'entretien.
A la 3ème case, ca commence très fort ! "Etoile à 5 branches"... Mais jusque là, on peut éventuellement l'imaginer...
Dès la 4ème case, ça part en vrille...
A la 5ème case, nous arrivons dans la caricature délirante de Scott Adams... Je n'ai aucune idée de ce qu'est un Nik Nik, mais on peut supposer qu'il s'agit d'un animal.. et on peut supposer que comme tout animal, il émette des "Sécrétions glandulaires"... Et il faudrait donc se procurer ceci pour nettoyer la chemise !!! Mais bien sûr !
Ce que je trouve génial, dans l'esprit de Scott Adams, c'est qu'il ne va pas s'arrêter là ! Il va en rajouter une couche ! Oui : On ne voit décidément pas comment laver ce vêtement, donc :
Chaque case est drôle en elle-même ! Mais comment Dilbert va-t-il pouvoir respecter les directives de ce lavage en machine ? Encore une fois, il ne va pas se démonter ! Rappelons-nous que Dilbert est un homme, que la finesse n'est pas son point fort, mais qu'il a l'esprit pratique.
Et la conclusion... Notez que le vêtement hurle !

Alors ? Ca vous plait ? Commencez-vous à sourire ?

On continue !

Dire que Scott Adams n'est pas tendre est un euphémisme ! Au travers de ses personnages, il fait des réflexions d'une sauvagerie extrême, troublantes. Il dit souvent tout haut ce que tout le monde pense tout bas... Prenons le thème de l'écologie... Il se met à penser à l'interdiction de la chasse aux baleines : il se dit qu'il n'en a jamais vu une seule en vrai, et que, finalement, en quoi est-ce que sa vie ou la vie de ses enfants serait altérée si toutes les baleines disparaissaient ?

Il en profite pour mettre le Boss en scène :

Dans l'absolu, il a raison, le Boss.. On serait à la place de Dilbert, que pourrait on bien reprocher à son raisonnement ? Bien sûr que c'est inhumain ! Mais N'oublions pas que Dilbert est sous les ordres du Boss, et qu'il ne veut surtout pas le contrarier... Dilbert abonde dans son sens d'ailleurs :

Est-ce bien nécessaire de préciser que le Boss est le mammifère gras et inutile auquel pense Dilbert ?

Dogbert

D'autres personnages émaillent l'univers de Dilbert. Dogbert est un petit chien à lunettes. Il joue deux rôles : c'est le chien domestique de Dilbert, mais c'est aussi la caricature terrible d'un consultant externe. Vous savez ? Ces gens qui viennent donner des conseils en entreprise et se font payer des prix faramineux pour donner des conseils dont on se passerait souvent bien ?

Dogbert est d'une prétention sans borne et ne connait aucune limite dans sa mégalomanie ! Tout ce qui l'intéresse c'est le fric et la gloire. Dans ce cartoon, Dogbert s'improvise animateur d'une réunion sensée libérer la créativité des employés.

Dans la première case, Dobert initie le stage. Jusque là, rien de particulier. Il semble pouvoir donner un peu d'air aux employés en leur permettant de s'exprimer librement... Mais peut on imaginer que les employés vont se laisser aller ainsi, surtout si le Boss est dans la salle ?
Dogbert n'a absolument aucune connaissance en animation de groupe, il a vaguement glané quelques informations ça et là.. Il propose un exercice idiot d'associations d'idées libres... "Chaise"... On peut dire qu'il ne se casse pas trop la tête !

Encore une fois, Scott Adams réussit en une seule case à montrer :

- Que le Boss prend la parole en premier en écrasant déjà un peu l'ambiance
- Qu'il est toujours aussi stupide, parce que franchement, on ne voit pas la liason qu'on peut faire entre chaise et croissant...
- Qu'il semble en fait ne penser qu'à la pause, et n'écoute pas un mot de Dogbert
- Que les autres employés se voient éviemment brimés et obligés de dire la même chose que le Boss

Richard

Je vous présente Richard (Dans la version anglophone, il s'appelle Wally) : un collègue ingénieur de Dilbert, encore plus sournois ! Non seulement il connait par coeur le comportement du Boss, mais en plus, il se comporte comme un véritable enfoiré avec ses propres collègues. Jugez plutôt : Nous sommes dans une grosse boite américaine, et comme dans toute entreprise outre-Atlantique qui se respecte, il y a des open-spaces (constitués de cellules de travail - les bureaux sont de simples cloisons). Tenter d'y avoir un peu d'intimité est une utopie, sauf quand, comme Richard, on hésite pas a faire marcher son imagination :

Tiens tiens... Richard s'est trouvé un toit...
Ingénieux ! Fourbe, méchant, je m'en foutiste... c'est Richard...

Et Dilbert est-il dupe ? Serait-ce Richard qui aurait volé la cloison de Dilbert ? ... "Il ressemblait à quoi"... Oui, oui, Richard est encore pire que Dilbert !

On constate souvent que Scott Adams travaille sur plusieurs niveaux d'humour : il y a, sous jacente, une observation sur les comportements des collègues de travail entre eux : Richard dit : "Il suffit de prendrre son mur au premier crétin venu", un peu comme s'il prenait Dilbert à parti, comme s'il le mettait dans la confidence... Ca peut donner à réfléchir... En effet, quand quelqu'un dis du mal de quelqu'un d'autre devant vous, méfiez-vous...

Les angoisses de Dilbert

A ce stade, on pourrait imaginer que Scott Adams est quelqu'un de foncièrement méchant, Détrompez-vous ! Empreint d'une grande sensibilité, toujours au travers Dilbert, il est très à l'écoute des menues contrariétés de la vie courante ! Ce qui contribue à sa géniale originalité, c'est qu'il va nous trouver des situations embarassantes sur lesquelles personnes ne s'était penché ! Qui donc mieux que lui pourrait dépeindre "l'angoisse de la pause" : vous suivez une formation avec des gens que vous ne connaissez pas, et tout à coups sonne l'heure de la pause ! Situation anodine pensez-vous ? Que Nenni ! Regardez plutôt :

Cette planche montre également Dogbert dans son autre rôle. C'est donc aussi le chien et le confident de Dilbert.

Constatez la mnétaphore dans la dernière case : la cravate et la chemise de Dilbert sont en piteux état ! Pourtant personne ne l'a touché, mais Scott Adams montre ici de manière visible l'état intérieur de Dilbert.

Dilbert et les femmes

La métaphore des vêtements déchirés s'illustre également avec la planche suivante : Dilbert ne sait pas parler aux femmes.. Ou plutôt, c'est un homme franc, et les femmes, quoiqu'elles disent, détestent la franchise... Si l'on en croit la planche suivante bien sûr :

Il faut bien comprendre la métaphore: une femme à qui on ferait une telle réflexion ne hurlerait pas "HAAIIII", et ne casserait pas la figure de celui qui a"osé", mais elle lancerait certainement un regard noir, et tancerait vertement le malapris... Scott Adams transforme donc cette situation en agression physique imaginaire !

Remarquez la dernière case : Dogbert est là. Il écoute Dilbert. Il écoute ? Ou alors il s'en fout complètement... Il a l'air bien indifférent alors que Dilbert à le bras en écharpe... Serait-il l'ami compatissant que l'on croit ? Rien n'est moins sûr !

Ratbert

Ratbert est un rat. Il représente métaphoriquement une personne bête, veule, ignare, vaguement égoïste, plus ou moins en quête d'amour, sans réelle volonté, manipulable... Bref, Ratbert n'est pas ce qu'on appelle communément une "personnalité attachante"... il est méprisable ! Il se croit inclu dans l'entreprise ou la famille à Dilbert, mais rien n'y fait, c'est toujours un vague parasite qui parfois fait quelques remous, jamais bien conséquents.

Voyons-le ici chez Dilbert :

Ratbert se pose une question existentielle : les choses sont pourtant claire dans sa tête : Dilbert, Dogbert et lui forment une famille. Mais il lui semble pourtant que l'unité familiale, ce noyau dur de la famille comporte quelques "Bugs"

Le couperet tombe ! Scott Adams réume en une seule phrase ce que d'autres auteurs auraient développés en une demie heure de dialogue : Ratbert n'est pas considéré comme un membre de la famille ! Non seulement, il vient d'être exclu, mais en plus, il se fait rappeler que c'est un rat ! Et tout ceci sans lever le nez de son journal !

Imaginez la métaphore avec un membre de votre famille : un cousin, un oncle, un filleul : quelqu'un dont vous penser aussi qu'il pourrait être apparenté à Ratbert... L'image est d'une férocité aveuglante !

Ratbert pourrait s'effondrer en larmes, voir sa vie détruite par cet aveu, mais encore une fois Scott Adams voit plus loin : Quand on nous assène une telle vérité, même de manière édulcorée, une fois le coup reçu, on essaie de s'en remettre, tant bien que mal.. et on compense... Certains vont se jeter sur l'alcool... Ou le chocolat ! Appréciez la note de fin :

Ratbert et Dogbert

Que pourrait-il se passer si Dogbert, le consultant sans scrupule, le requin absolu, s'entendait avec cette pauvre loque de Ratbert ?

Scott Adams a alors résumé en 3 cases et tourné en dérision l'ensemble de toutes les émissions de télé réalité : de pauves gens sans envergure se voient mettre en situation ridicule pour le plaisir des téléspectateurs décérébrés...

C'est chez Dilbert. Pas d'éclairage, une caméra, un abruti, ça suffit... Ca pourrait penser au tournage d'un film porno sans porno, ou Video Gag. Dogbert a fait une étude de marché.. Ou plutôt, il explique à Dilbert que pour se démarquer et être vu du plus grand nombre, il faut être "Original". C'est à dire, le plus con possible.

Mettons-nous à présent du côté des téléspectateurs : le gars à zappé 600 fois, et ça marche ! Un rat qui se tape sur la tête en chantant ! C'est tellement idiot que lui et sa femme vont y prêter attention !

Je suis certain que vous allez regarder la télévision d'un autre oeil maintenant !

Attention, vous allez rater "Ca va se savoir", "Y'a que la vérité qui compte", "Loft Story" et "Vidéo gag" !

Un univers fantasmagorique

Il peut arriver que Scott Adams crée des histoire plus longues. Il imagine ici une situation complètement surréaliste dans laquelle il installe des éléments complètement terre à terre et qui semblent en complète dissonance.

Il n'est pas évident de rentrer dans son jeu, mais je vous invite à suivre avec moi cette petite histoire... Dilbert découvre dans son salon, devinez quoi ??? Un trou dans la trame de l'espace temps ! Alors que des grands auteurs ou réalisateurs passent un film complet sur ce thème à grand renfort d'effets spéciaux, ici, cette faille dans l'espace temps est balayé en deux coups de crayon...

Il faudrait y entrer. Mais qui donc en aurait le courage ? C'est Ratbert ! Un clin d'eil à tous ces gens qui se portent volontaire pour des expériences telles que rester sur un lit pendant 6 mois pour tester les voyages interstellaires ou tester des nouveaux médicaments ?

(Remarquez subtilement que Ratbert ne regarde pas la télé, il est simplement appuyé sur le dos de Dogbert : tout ce que veut Ratbert, c'est être aimé et avoir un contact physique avec ceux qu'il considère comme des membres de sa famille). A la 3ème case, on voit tout de suite comment Dogbert partage sa vision des choses...

On s'attends à ce qu'une telle aventure rapporte des résultats extraordinaires... Non non ! "Les cheveux de Richard" suffiront !

Remarquez à la 2ème case la réflexion de Ratbert : "Les secrets du temps révélés" : En fait, il y a juste une sorte de tranche de fromage sous lui avec une sorte de câble, un peu comme ces gens un peu simplets qui, parce qu'ils ont aperçu une statue illuminée ou sont allés à Lourdes, se croient tout à coups "empreints de la connaissance"

Un sursaut d'humanité assaille Dilbert : On va récupérer Ratbert. Notez l'indifférence totale de Dogbert... Ratbert raconte que le temps s'est écoulé de manière complètement différente dans ce trou noir... Scott Adams nous scotche à nouveau avec des sentiments auxquels nous n'aurions jamais pensé ! En effet, on peut imaginer qu'on peut changer le cours de l'histoire, se téléporter dans le futur, voire peut-être même rencontre Dieu, pourquoi pas ? Mais nous sommes pris à contrepieds : Dilbert se félicite de ne pas avoir mis le bras avec sa montre et Ratbert.. s'est ennuyé ! Eh oui ! Evidemment qu'on s'ennuie dans de tels cas !

D'une situation ou rien ne se passait (Dogbert et Ratbert devant la télé), Nous voici projeté dans un univers parallèle, et, au retour d'une telle aventure, que se passe-t-il ? N'importe qui écrirait un livre sur ce qui lui est arrivé !

Mais quand un clampin de base se lance dans la littérature, même si l'histoire est extraordinaire, ça donne toujours... de la merde... C'est en tout cas ce qui est illusté ici : Ratbert n'a pensé qu'au fromage, et l'a répété sur des milliers de pages !

Mauvaises traductions

Gardez a l'esprit que Dilbert est une BD 100% américaine. Les textes sont donc en anglais à la base. Pour les traduire, il est évidemment indispensable que les traducteurs comprennent plus que parfaitement "l'esprit Dilbert". Il arrive que Scott Adams nous entraîne dans les profondeurs de la culture américaine, au point que la traduction est tout bonnement... impossible !

La BD suivante me laisse complètement perplexe... Ratbert se demande s'il est un rat, jusque là OK. Il pourrait être confondu avec une bande de gaze, je comprends toujours, mais à la dernière case, Ratbert fait un jeu de mots : "Je panse donc j'essuie (Je pense, donc je suis)". On se doute bien qu'il y avait certainement un jeu de mots dans la version anglaise et que le traducteur n'a pas pu faire autrement que de trouver également un jeu de mots en français, mais ça tombe complètement à l'eau... Plusieurs de ces cartoons m'ont ainsi laissé complètement indifférent.

La Zalbanie

Comme dans toutes les grosses boîtes américaines, on recherche le profit. Et il est souvent profitable de faire sous-traiter certaines tâches ou certains produits dans des pays plus pauvres ou la main d'oeuvre est bon marché.

Scott Adams a alors imaginé la Zalbanie. C'est manifestement un pays de l'est, ou les habitants doivent vivre avec moins d'un dollar par jour, et qui pataugent dans un mètre de boue en permanence.

Alors évidemment, c'est moins cher ! Dans ce Cartoon, le Boss envoie Dilbert dans leur sucursale de Zalbanie afin de leur faire suivre un stage sur la "Qualité totale". La qualité totale est un concept purement issu de la société riche et occidentale : il s'agit d'éliminer toutes les erreurs, toutes les malfaçons, et ceci pour les moindres détails. Ce concept de "Qualité Totale" est imperméable à toute personne n'y ayant jamais été contfrontée.

Imaginez Dilbert, ingénieur de sa grosse boîte, arrivant en Zalbanie, ou le premier souci des habitants est de manger et survivre ! Les Zalbanais réservent malgré tout un accueil chaleureux à Dilbert, car ils voient là une manière de se sortir de leur misère... Mais malgré toute la bonne volonté de part et d'autre, ça risque de ne pas le faire !

Constatez au début de chaque série de 3 cases, en haut à gauche, un texte récapitulatif des 3 cases précédentes ("En Zalbanie", "Dilbert enseigne les méthode de qualité absolue aux Zalbanais", ...). Non seulement Scott Adams peut raconter une histoire complète, mais en plus, il découpe sa BD en séries de 3 cases qui ont chacune un début, un milieu et une chute.

Voyez plutôt :

Au début, Dilbert explique la qualité : C'est un mot creux signifiant "Bon" qui n'est autre qu'une technique d'enrichissement des consultants (tels que Dogbert)... On a alors tous à l'esprit ces mesures un peu idiotes pour améliorer la qualité.. Mesures parfois grotesques comme l'utilisation d'agrapheuses normalisées, ou de création de mode d'emploi pour la machine à café... Dans la première case, on croit distinguer la tête d'un animal à gauche, comme si Dilbert enseignait indifféremment aux gens comme aux bêtes, sans sourciller. Les Zalbanais semblent être attentifs.

Nous arrivons maintenant dans le vif du sujet ! Dilbert s'apprête certainement à parler d'identification de problèmes tels que des textures de moquettes allergènes, d'eau pour le thé trop chaude... Voire peut être de problèmes d'approvisionnement ou de transports aériens...Les Zalbanais ont de simples problèmes d'habitat et de nourriture... Scott Adams aurait pu les mentionner, mais il préfère inventer un problème débile de mitaines coincées... Toujours est il qu'on saisi bien que Dilbert et les Zalbanais ne sont pas sur la même longueur d'onde !

Dilbert n'écoute pas un mot de leur problème ("Un peu d'attention SVP") ! Bel exemple d'écoute pour un stage de Qualité totale !

Dans la dernière série, nous parlons de diagramme en arête. Pour bien saisir ce concept, il faut évidemment avoir l'habitude des réunions managériales ou ce genre de diagramme est courant, un peu comme les graphiques en camembert ou en style "courbe de température". Il faut bien reconnaître que ça peut ressembler à une arête de poisson !

Dans la 2ème image, nous constatons que Dilbert n'est pas dupe ! Il a été envoyé de force par le Boss pour ce stage de qualité, mais il n'y croit pas une seconde. Par contre, il confond "Pauvre" et "Imbécile"...

Et a la dernière case, les Zalbanais félicitent Dilbert d'avoir au moins appris ça, et c'est lui qui se retrouve promu !

Les relations avec la Zalbanie promettent d'être fructueuses à l'avenir !

Catbert

Catbert est un chat, mais c'est aussi le Directeur des Ressources Humaines (DRH). Alors que Dogbert est un mégalomane intéressé par le fric, Catbert est simplement un sadique pur et dur ! En tant que DRH, il n'a d'autre occupation que de rendre la vie des employés totamenent insupportable. Plus il fait souffrir, plus il ronronne.

Dans ce cartoon, Catbert trouve une manière d'effacer toute trace d'individualité... Le clin d'eoil de Scoot Adams vise en fait la normalisation. Pour qu'une entreprise fonctionne, il faut que tous les ordinateurs soient les mêmes, qu'il n'y ait qu'une taille d'agraphe, que tous les murs des open spaces soient à la même hauteur, etc.

Cette politique semble dotée d'une certaine logique, mais comment faire pour ne pas alors ressembler a un robot ! Scott Adams a donc renversé la situation, et fait en sorte qu'on ne recherche plus la normalisation dans un but d'économie, mais simplement pour réduire les employés à l'états de clones !

Sa nouvelle invention consiste donc a exiger que les papiers peints des ordinateurs soient identiques ! (Le papier peint, c'est simplement l'image de fond de votre Windows). Comme d'habitude, Scott Adams, en rajoute des tonnes à la dernière case : "Les employés ont donc les mêmes pantalons, la même veste, la même cravate, les mêmes lunettes.. Pourquoi pas leur faire ingurgiter de l'hélium afin que tout le monde ait aussi la même voix ???

Il faut savoir que lorsqu'on inspire de l'hélium, on a une voix tout bizarre, comme celle d'un enfant...

Alice

Alice est une rédactrice technique efficace. Ah ! Enfin une personne intègre ! Elle aime son travail, et l'effectue avec professionnalisme ! Elle ne rechigne pas devant la tâche ni devant les nombreuses heures supplémentaires ! Une employée zélée, donc, mais agacée au plus haut point par les attitudes de ses collègues et de son Boss. Scott Adams nous fait parvenir le message suivant : "Plus vous êtes honnête, plus vous en prendrez plein la gueule"... Richard aimerait sortir avec elle, mais ici, nous assistons à un rapport professionnel.

Richard est vraiment le vieux de la vieille ! Il explique à Alice comment travailler sans pression... En lisant régulièrement Dilbert, on apprend que c'est un gros menteur puisque tout ce qui intéresse Richard, c'est le beurre et l'argent du beurre ! Evidemment qu'il résiste à la pression : il ne fout rien...

Alice n'est pas dupe. Elle ne l'a jamais été d'aileurs :

Bon, d'accord, Alice est tout de même un peu assoiffée de pouvoir ! En fait c'est plutôt de la reconnaissance dont elle est affamée! Ca ne vous rappelle rien, ça ? Travailler jour et nuit sur un projet dans l'espoir fou d'être enfin reconnu à sa juste valeur ?

Scott Adams abat alors la guillotine, cruelle, sèche et féroce : Le projet vient d'être annulé ! Un nouveau Directeur Général vient sans doute d'être nommé, il a cru constater que le projet n'était peut-être pas faisable à ses yeux, et l'annule d'un méprisant revers de main ! Uniquement dans le but de prouver à l'ancien Directeur Général que son projet était mauvais ! Un peu comme en politique, le nouveau président annule les actes de l'ancien.

Et les innombrables heures supplémentaires d'Alice partent en fumée en une fraction de seconde !

Croyez-vous que Scott Adams va s'arrêter là ? Non, bien sûr ! Richard en rajoute une couche ! Il annonce à Alice qu'elle ferait mieux d'écouter ses conseils...

Que veut dire la phrase "Qaund l'étudiant est prêt, le Maître apparaît" ? C'est une très ancienne maxime qui dit que quand on est prêt à faire telle ou telle chose, les circonstances sont favorables... "Aide toi et le ciel t'aidera en quelque sorte"... Richard conclut ainsi que'Alice vient d'avoir la révélation : être assidue dans son travail ne sert à rien d'autre qu'à pleurer. Maintenant, elle est prête. Prête a écouter enfin les milliers de conseils ineptes et malhonnêtes de Richard qui en connaît un rayon sur l'art de glander.

En trame de fond, on peut aussi sourire rien qu'à l'idée de ce qu'Alice va faire subir à Richard ! En effet, on peut imaginer qu'elle le tue ou le jette par la fenêtre, ou lui fasse manger la photocopieuse... Mais Scott Adams nous naisse le plaisir de l'imagination !

Asok

Asok, c'est le stagiaire. Tout frais, tout jeune, toujours bien coiffé, bien habillé, prêt à rendre service, il ne sert absolument à rien mais ne s'en rend pas compte... Dans quelques années, il sera certainement aussi désabusé que Richard ou Dilbert, mais pour l'instant, c'est un jeune naïf à qui on peut faire faire n'importe quoi !

Dans cette planche, il va tout de même prendre doucement conscience de son inutilité flagrante : Asok se rend innocemment chez le Boss, et demande du travail... Au lieu de lui laisser prendre congé, le Boss fouille dans sa poubelle à la recherche de n'importe quoi et lui donne... Asok est tellement naïf qu'il se demande juste pourquoi les missions qui lui sont assignées sont toutes imprimées sur du papier froissé !

Dans cette 2ème planche, Asok se demande bien quelle peut être son utilité... Il se dirige tout naturellement vers Catbert, mais est-ce une bonne idée... Le coup de massue : "Le brassage de doument sans importance aide l'air à circuler !"

La férocité de Scott Adams atteint ensuite son paroxysme dans la dernière case : Asok se rend compte qu'il n'a jamais aucn document papier à traiter, il s'agit exclusivement d'e-mails ! Il ne sert donc même pas à faire circuler l'air !

L'éboueur le plus intelligent du monde

Scott Adams ressent un malin plaisir à traîner dans la boue les ingénieurs et postes d'encadrement. Pour enfoncer encore plus le clou, il a créé un personnage intéressant, c'est l'éboueur le plus intelligent du monde... Il ramasse les poubelles non par contrainte mais par choix... Scott Adams lui fait faire des réflexions d'une indéniable portée philosophique !

Dans la planche suivante, il lui fait constater que l'être humain a l'étrange particularité de refuser une petite perte en faveur d'un plus gros gain (Ca m'a moi-même fait beaucoup réfléchir !)... Dilbert engage la conversation avec l'éboueur : Il lui explique que comme il a des stock options (des sortes d'actions de la boîte a un tarif préférentiel), s'il quitte son poste, il perdra cet avantage en nature... Du coup il ne part pas. Il se fait chier jour après jour, 8 heures par jour minimum, à endurer un travail qui ne lui plaît pas UNIQUEMENT parce qu'il a des Stock Options !

Ce qui est évidemment grotesque !

Scott Adams fait alors la réflexion philosophique suivante, par l'entremise de l'éboueur : "Un cerveau normal accorde irrationnellement plus d'importance à une petite perte qu'à une occasion exceptionnelle" (C'est à dire simplement changer de job dans ce cas)

La 3ème et dernière case a peut être été mal traduite, ou c'est moi qui n'ai pas compris... On dirait que l'éboueur traite juste Dilbert de stupide... Je comprends l'esprit, mais je ne percute pas complètement les deux dernieres bulles.

Antina

Dans les personnages secondaires, Antina est le contraire de Tina. Tina est une femme tout à fait normale, avec ses travers et ses charmes de femmes. Antina, est une femme qui, sans être lesbienne, accumule tous les stéréotypes masculins !

Première case, rien à dire, Antina se présente. Scott Adams prend plaisir à lui dessiner des muscles saillants, le poing fermé et le bras écarté du corps... Oui, oui, les hommes sont parfois aussi ridicules ! La cravate n'arrange rien. Par contre, une jupe était indispensable car sinon, les dessins trop épurés l'auraient fait passer pour un véritable homme.
Pinailler pour une taille de diagonale d'écran !!! N'est ce pas là une masculinité idiote ?
Eh oui ! Démonter et remonter une voiture, une moto, un mixer ou la machine à café "Juste pour s'amuser", voilà un passe-temps que nous verrons fort peu chez les femmes... Sauf justement chez Antina !

Bob le dinosaure

Scott Adams aime inventer des personnages improbables ! Après Dogbert le chien, Catbert le chat et Ratbert le rat, voici Bob le dinosaure ! On suppose que les dinosaures ont disparu suite à la collision d'une énorme météorite, mais Scott Adams avance une autre hypothèse : les dinosaures n'ont jamais disparu, ils se cachaient derrière le canapé du salon ! C'est énorme !

Ce qui permet d'utiliser un personnage actuel sous les traits d'un dinosaure : il s'agit de Bob ! C'est la caricature d'un gars particulièrement musclé et primaire ! Il n'a à peu près aucun égard pour les autres, et n'éprouve pas grand chose comme sentiment !

Dans cette planche, il s'agit de l'histoire d'une famille qui a engagé Bob comme baby-sitter ! Engager un dinosaure comme baby-sitter, vous vous rendez compte de la couche des parents ! C'est une sorte de clin d'oeil vis à vis des parents qui font parfois tout à l'envers par rapport à leurs enfants, ici tiré à l'extrême par la caricature !

La première image sert simplement à présenter la situation
La traduction française a été ici très bien amenée : On constate l'utilisation du verbe "Jongler" comme étant "Jongler avec les responsabilités" (Donner a manger, doucher, mettre au lit, etc.)

Et la conclusion horrible : Bob entendait bien "jongler" par "jongler", au sens propre, comme on jongle avec des balles.. eh oui, c'est un dinosaure, ne l'oublions pas !

Dilbert reçoit un appel de la part des partents qui n'ont pas l'air d'avoir constaté quoi que ce soit avec leurs enfants, et pourtant on dirait bien que Bob les a lancé dans le ventilateur du salon... Mais seul le ventilateur attire l'attention des parents... Qui étaient déjà, je le rappelle, assez cons pour confier leurs progénitures à un dinosaure !

Technologie contre bon sens

Scott Adams a une vision très clairvoyante du fonctionnement de la société. Dans la planche suivante, il se moque ouvertement de tous les systèmes de sécurité qui restent complètement inopérant face à quelqu'un de motivé... Un peu comme les attaques répétées de la RIAA contre les pirates qui copient illégalement les films et la musique, ou comme ces sites interdits aux moins de 18 ans que n'importe quel gamin peut visiter sans vergogne.

Ici, Dilbert vient justement de programmer un système qui empêcherait les enfants d'accéder à la pornographie sur le web. Mais tout le monde sait, même si on ne l'avoue pas ouvertement, que n'importe quel ado un peu motivé détourne les système de surveillance avec un minimum d'astuce :

La première case sert, comme d'habitude à présenter la situation.
Scott Adams, au travers de Dogbert, fait donc la réflexion suivante : un seul ingénieur, même doué, est-il capable de lutter contre les pulsions sexuelles de tous les adolescents du monde ? Il est vrai que c'est un peu ridicule de penser ça... Rappelons-nous quand nous étions jeunes, nous avions également tous les trucs pour détourner l'attention des parents, serveillants et autres professeurs ! Et encore aujourd'hui, en tant qu'adultes, nous savons freiner aux radars, télécharger de la musique illégalement, mentir à la police pour éviter une amende, etc. etc.
Et la conclusion sous forme de boutade : Tenter de juguler les pulsions sesuelles des ados qui visitent internet est à peu près aussi vain que de mettre un chapeau sur une boule de neige avant de la passer au four pour qu'elle ne fonde pas...

Voilà... Ceci était une brève intoduction à Dilbert. Si ça vous a donné envie d'en savoir plus, voici la bibliographie en français :

Bibliographie

Scott Adams a publié 8 albums uniquement constitués de bandes dessinées, toutes publiées chez Albin Michel.

Attention : il semblerait qu'il ne soit pas si facile de les trouver.

1. Les Misères de la vie de bureau 2. Bienvenue dans le monde merveilleux de l'informatique
3. Comment devenir chef à la place du chef 4. Les nouvelles misères de la vie de bureau
5. Y a-t-il une vie après le bureau ? 6. Devenons riches en profitant des faibles
7. Réunissons-nous pour supprimer les réunions 8. Honni soit qui stock-option

Ainsi que quelques livres qui mélangent habilement des textes et des BDs :

Extrait de "Travaillons dans la joie" :

Tous les livres sont parus aux éditions First

Le principe de Dilbert
Les fourberies de Dilbert
Prophéties pour l'an 2000

Travaillons dans la joie
(Je n'ai plus la couverture)

A part ça, Scott Adams et Dilbert ont une renommée certaine sur internet, mais une écrasante majorité des sites est en anglais:

Dilbert - Le site officiel

Une recherche sur Google donne plus de 11 millions de pages sur Dilbert, et plus d'un million pour Scott Adams. Un portrait de Scott Adams est brossé en français sur le site Evene.

Vopus trouverez pas mal de choses concernant Dilbert sur Amazon ainsi que sur EBay.