Les valaisans
ESSAI SCIENTIFIQUE ET PHILOSOPHIQUE SUR LES VALAISANS
La science a résolu énormément d'énigmes : les éclipses, les marées et le traitement de la blennorragie en sont des exemples éclatants. Pourtant, malgré tous ces succès indiscutables, elle pêche encore sur quelques mystères insondables, de ceux qui torturent l'esprit et font hurler des générations de spécialistes exaspérés, qui se suicident de rage à grands coups de cornue. Parmi ceux-ci, citons en vrac la longévité de Jacques
Martin, le secret de la fabrication des Pin's (bien qu'il semblerait aux dernières nouvelles qu'il soit dans un coffre dont la clé est dans un puits. La piste avance.) et la raison d'être des Valaisans.
Sur ce dernier point tout spécialement, les chercheurs sont particulièrement chatouilleux : on compte en effet 3865 des leurs dans les rangs de la légion étrangère, ultime recours pour ces désespérés incurables. Cette énigme s'apparente tellement à la quadrature du cercle que les dégâts intellectuels et physiques causés par plusieurs années d'études improductives sont souvent irrémédiables. Un exemple parmi tant d'autres est celui de Mère Térésa, ancienne chercheuse touchée par la grâce. Elle a étudié le problème durant 28 ans et regardez-la : qui penserait qu'elle n'a en fait que 39 ans ? Moi-même, savant émérite, suis pris de spasmes rien qu'à l'évocation du sujet. Essayons donc de décortiquer méthodiquement tous les aspects de la chose.
Et ça promet d'être un beau merdier !
Mes âpres recherches m'ont permis de retrouver les origines du Valais. A un certain moment de la préhistoire, sur le territoire appelé à devenir plus tard la Suisse, vivaient une centaine d'hommes et de femmes des cavernes disséminés un peu partout. Un couple s'était établi dans une magnifique grotte (eau stagnante et vue sur rien du tout, mais imprenable) au niveau de l'actuel Torretalp, petit bidonville perdu du Valais profond. Ils occupaient à eux seuls quasiment tout le canton et avaient la ferme intention de le peupler, ce qui tombait bien puisque les occupations de l'époque se limitaient à la chasse au tricodanéon cendré et à la copulation sauvage et frénétique en levrette. Leur premier môme (répondant au doux nom d'Oughl) naquit un soir d'orage. Quelques heures après sa mise au monde, il fut frappé par la foudre, ce qui fait généralement assez mal. Comble de malchance, ses haillons prirent feu. Ses parents, qui n'avaient rien d'autre sous la main, l'éteignirent à grands coups de pelle, occasionnant par là quelques dégâts irréversibles au moutard, qui s'en sortit par un miracle de la catégorie de ceux qui auraient mis Bernadette Soubirou sur le cul.
Quand le deuxième enfant vit le jour, une fille, le malheureux couple s'aperçu qu'elle était trisomique 21 et, voyant le tableau, laissèrent tout tomber et allèrent s'installer vers Delémont, mais c'est une autre histoire.
Toujours est-il que, livrés à eux-mêmes, les gosses passèrent leur temps à forniquer, mêlant leurs légers handicaps aux lien de consanguinité. Quand ils décédèrent, toute une progéniture de corniauds avait pris le relais, et continuait à vêler joyeusement, peuplant lentement le canton. Ils auraient au moins pu essayer de se retirer à temps.
Il est à noter que sur le plan strictement biblique, l'existence des Valaisans ne se justifie pas. En effet, Noé embarqua dans son arche des couples de singe, éléphants, morpions et autres... Mais on n'y parle nulle part d'un quelconque couple de Valaisans. Cette race aurait donc dû disparaître. A ce sujet courent les plus folles hypothèses, mais l'explication est vraisemblablement la suivante : ils se sont embarqués clandestinement et ils suvécurent. Depuis ce jour, Dieu se venge régulièrement, surtout du côté de Brig.
Par simple jeu scientifique, analysons le Valaisan (la vivisection donne d'excellents résultats).
Un des plus surprenant paradoxes de la création nous saute alors aux yeux : le Valaisan est le seul être à appartenir à la fois au genre animal (physiquement) et au genre végétal (intellectuellement). Décidément, quelle créature hybride.
On constate alors en triant un peu, que trois organes ne sont pas utilisés : l'appendice, les amygdales et le cerveau. Il est d'ailleurs étonnant que les deux premiers cités soient fréquemment retirés, alors que le dernier encombre souvent son propriétaire toute sa vie durant.
Remettez un peu d'ordre dans tout ce bazar et jetez le corps ou apportez-le aux Resto du Coeur (notez que si le cobaye était du sexe féminin, vous pouvez vous amuser un peu avec. Pour cela, le cadavre doit être encore tiède et vous pouvez essayer de trouver les nerfs génitaux. Pincez-les violemment pour commander quelques spasmes et contractions du meilleur effet).
"Le singe ressemble à l'homme, il ne lui manque que la parole. Le Valaisan ressemble au singe, il ne lui manque que les poils"
Cette pensée résume assez bien l'aspect général du Valaisan moyen. Mais puisqu'il faut aller jusqu'au bout des choses, plaçons tout de même un spécimen à côté d'un humain (si possible un blanc. Il ne faut pas compliquer exprès, non plus) pour faire ressembler le premier au second, 5 étapes sont nécessaires :
- épilation totale
- lavage intégral (attention, l'odeur attaque l'émail des dents)
- habillage (une étoile jaune est du plus bel effet)
- apprentissage de la parole (prévoir 1/2 siècle)
L'illusion sera parfaite jusqu'au moment d'engager la conversation. En effet, le Valaisan aura une chance sur deux de mugir à ce stade.
Mon Dieu, mon Dieu, quelle expérience passionnante !
Le Valaisan, non content d'être bipède, essaye d'imiter l'Occidental, tel le cas de cet habitant d'Ovronnaz qui réussit, en 1963, à se faire passer pour un humain : à la suite d'une chute dans les escaliers, il perdit connaissance. Amené à l'hôpital, plusieurs médecins l'examinèrent et, voyant le cerveau plat qu'il avait, diagnostiquèrent la mort. Il fut enterré vivant le lendemain et mourut de faim quelques jours plus tard. Apprenant la nouvelle, sa génitrice se tira une balle dans la tête, créant de ce fait un immense trou d'air qui tua 17 de ses congénères. Aucune perte humaine ne fut pourtant à déplorer.
On constate que le Valaisan est à l'homme ce que Gandhi fut au nazisme.
Malgré tout cela, le Valaisan s'organise, dans la limite de ses moyens, en une société relativement proche de la nôtre, poussant même le plagiat jusqu'à revendiquer un statut de citoyen à part entière, pouffons un coup.
D'un point de vue purement pratique, l'existence du Valaisan est un immense point d'interrogation. En effet, qui trouvera une utilisation au Valaisan, à part peut-être un torero peu regardant ? Personne, et cela fait donc de lui un nuisible, puisqu'en plus il pollue presque autant que nous, sauf que nous c'est pour la civilisation, ne confondons pas tout, je vous prie !
Cette caractéristique d'inutilité pourra vous être confirmée par le laboratoire des recherches et des sciences animales, lui qui possède un superbe exemplaire de Valaisan dans un bocal de formol, au fond à gauche en entrant.
La créature n'a même pas de vertu décorative, à moins d'aimer l'art violent-néo-grunge. Notons tout de même une tentative dans ce domaine que nous devons à l'illustre Dali avec sa toile "troupeau de Valaisans paissant dans un champ", censurée par la très noble commission de surveillance de la scatologie en 1941.
Le Valaisan existe, c'est une malheureuse évidence. Nous sommes donc condamnés à nous habituer à leur présence (remarquez que j'ai un chien, ce sera donc plus facile pour moi), à moins de faire une collecte pour faire péter la Grande Dixence, quitte à commencer un élevage un peu auparavant, pour pouvoir poursuivre les études sur cette race.
Mes connaissances du problème s'arrêtent ici, mais je ne désespère pas collecter quelques informations supplémentaires qui me permettraient d'achever ma thèse. J'espère néanmoins, malgré ces lacunes, vous avoir éclairés sur ce fascinant mystère (afin que je puisse me persuader que toutes ces années d'études en Valais la peine).
- "La vie des mollusques" - Ed. Laffont 1975
- "Bulletin annuel de l'association des traumatisés cranio-cérébraux"
- "Les grandes énigmes de notre siècle" - Ed. Gallimard 1988
- "De l'homme de Neandertal au Valaisan" - Ed. Savoir Plus 1963
- "Le petit guide de la lobotomie" - Ed. Larousse 1983
- "Pourquoi l'euthanasie est-elle nécessaire ?" - Ed. Glénat 1976